« Moi, Veuve de l’Empire » de Sony Labou Tansi mise en scène de Jean Félhyt Kimbirima

Moi, veuve de l'empire à Etampes par la compagnie Kimba
Moi, veuve de l’empire à Etampes

Cette pièce de Sony nous replonge dans l’histoire de la chute de l’empire romain et la mort de Jules César, elle est plus qu’actuelle par les sujets qu’elle aborde. Les coups d’états ou révolutions de palais restent d’actualité en Afrique et ailleurs, ainsi que les politiques véreux, les fausses démocraties et vraies dictatures persistent à travers le monde, le fondamentalisme religieux prospère, la dépravation des âmes, la trahison, la suspicion, le phénomène de cour et le pouvoir de l’argent, comme si celui qui a l’argent a tout….

Nouvelle création de la Compagnie Kimpa Théâtre avec un casting de rêve:

Mise en scène Jean Felhyt Kimbirima
Avec Marius Yélolo, Marina Ahoui, Roch Amedet Banzouzi, Juliette Laurent, Richard Mahoungou, Noun Yare et Jean Félhyt Kimbirima

Samedi 30 janvier 2016 à 20h30 au théâtre d’Etampes (91)

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Retour sur « La Gueule de rechange », mise en scène par Harvey Massamba

La Gueule de rechange de Sony Labou Tansi mise en scène par Harvey Massamba avec les élèves de sa compagnie Nsala, a été présentée pendant le festival Mantsina Sony sur scène les 19 et 28 décembre 2015. Note d’intention du metteur en scène.

Tout commence dans une atmosphère quelque peu mystique pour mieux rendre compte du rapport que Sony, en tant que fils des deux rives, donc pont sur le Congo, entretenait avec le fleuve. Trois sirènes et un homme sur le rivage qui semblent invoquer la puissance du fleuve. Les sirènes se prêtent au jeu et sortent du fleuve pour aller forniquer avec l’homme. Ce rapport au fleuve que certains développent côtoie simultanément celui plus basique que le plus grand nombre de riverains entretient avec cette étendue d’eau qui nous questionne de son regard kaki. Une rivière, un fleuve, une étendue d’eau. Des rapports différents.

Puis la rupture, toute la scène devient une fête foraine, une foire aux idées. Chacun vient y déverser sa gueule comme avec une radio de poche dans les mains du régime.

A l’impitoyable gymnastique esthétique de l’auteur, je riposte par une impitoyable gymnastique scénique.

Une gymnastique des corps et des tableaux, une gymnastique du dire, du comment dire par la voix, le souffle, par la sueur, par le geste… bref par l’acte théâtral. Dans La Gueule de rechange j’éprouve le corps de l’acteur, il devient matériau, il devient produit de fabrication, matière première d’une usine de fabrication de ce peut être esthétique dont parle Sony. Tout se construit et se déconstruit au fil des scènes. S’éprouvent aussi la parole et les idées.

J’ai opté pour une scène vide afin que l’ensemble du spectacle ressemble à un tableau qui se peint en direct, une toile qui se tisse devant les yeux du public et dont le matériau et les ingrédients ne sont autres que le corps des acteurs.

La Gueule de rechange est aussi l’aboutissement d’une initiation qui aura duré quatre ans. J’ai voulu pour consacrer cette première génération de comédien sortie de mon école, être avec eux sur le plateau. Cela a valeur de signature sur leur diplôme de fin de formation. Ils sont arrivés avec leurs ailes d’envie de foutre une raclée à cette vie, de boxer la situation, de nommer ce qui veut décréter aujourd’hui et maintenant la fin de l’humain. Ils ont aujourd’hui les jambes assez solides pour rixer avec les prophètes de l’agenouillement, ceux qui regardent du coté de l’existence où il n y a absolument rien afin de leur montrer le côté de la vie où il se passe quelque chose. L’énergie qu’ils déploient dans La Gueule de rechange, cette envie de dévaluer la tête au profit du cœur arrive dans la sincérité vers le public, dans la simplicité de l’acte d’être. La complicité pétillante de cette jeunesse volontariste et prête à boxer jusqu’à la dernière goutte de salive a permis que l’acte théâtral soit tonitruant.

Harvey Massamba

Expo du collectif Kimpa Kaba à Lyon

Exposition Kimpa Kaba
Exposition Kimpa Kaba

Kimpa Kaba est le nom d’un collectif porté par cinq étudiants de l’ENSATT dont Caroline Frachet, scénographe, qui fut assistante du metteur en scène Harvey Massamba au cours d’un séjour au Congo Brazzaville.

Ce collectif a d’abord eu pour objectif la mise en place du Labo Kaba, un chantier collaboratif qui s’est déroulé en juillet 2015 et dans lequel s’inscrit la création d’un théâtre éphémère à Nganga Lingolo, un quartier de Brazzaville.

Cette initiative est le résultat de plusieurs mois d’échanges entre les cinq étudiants et Harvey Massamba autour d’un projet beaucoup plus large, celui de la création de l’École Supérieure de Théâtre de Brazzaville, première formation aux métiers du spectacle sur ce territoire. Mais, pour qu’elle voie le jour, un long chemin doit être parcouru, des partenariats établis, et surtout, la communauté artistique congolaise doit en être convaincue.

C’est pourquoi, depuis le 4 janvier et jusqu’au 4 mars 2016, Harvey Massamba est également accueilli en stage auprès de la direction et de l’équipe pédagogique de l’ENSATT en vue de préparer la rédaction de son dossier de présentation de sa future école.

A cette occasion, l’ENSATT accueille plusieurs événements autour du Congo du 1er au 12 février, cf programme sur l’affiche ci-dessus.

Télécharger le dossier

Visiter le blog http://kimpakaba.tumblr.com/

Expo en cours aux ateliers SAHM: « Sony m’a vendu son destin »

Newsletter des Ateliers SAHM. www.atelierssahm.org

«Merci aux artistes. Si Sony vous a vendu son destin, vous avez remboursé l’honneur.»
Nicolas Martin‐Granel

Ce thème a été choisi par Les Ateliers SAHM en hommage à Sony Labou Tansi (20 ans après sa disparition), comme pour ajouter du bois dans le feu allumé par cet auteur. Cette exposition donne matière aux artistes de marquer ou faire remarquer leurs empreintes à l’occasion des 12e rencontres internationales de théâtre intitulées festival Mantsina. Un projet initié par Dieudonné Niangouna, qui cette année a eu pour thème Sony sur scène. Ce festival culturel devenu culte qui se déroule en décembre de chaque année à Brazzaville ne pouvait laisser indifférent les plasticiens comme Van Andréa, Artmel Mouy, Jordy Kissy Moussa, Mantvany, Girel Nganga, Gad le beau, Monroyal, Paul Alden M’vout, Penath Kimbembé, Anne Garnier, Francis Kodia, Aimebéejer, Jules Roger Boumpoutou, etc.

Sony a vendu son destin aux artistes, il leur a appris à ne pas chercher mais à trouver comme le dirait un certain poète «je ne cherche pas, je trouve».

L’exposition Sony m’a vendu son destin met en exergue le travail des artistes qui, loin de s’arrêter uniquement à la peinture, se sont imprégnés des mots de Sony Labou Tansi. Ils ont acheté le destin de Sony en dévorant ses œuvres. Ces artistes se servent de leur talent en mettant ensemble les couleurs, les objets et les images pour se souvenir à jamais de cet illustre écrivain congolais, reconnu mondialement. Les différents travaux présentés par les artistes sont l’expression d’un ressenti Sonien:

100 femmes est le poème dans lequel Van Andréa tire son inspiration en faisant des portraits de femmes. Loin d’apporter un jugement, il s’interroge sur ce que peut cacher la beauté lorsque chaque femme a son caractère et sa manière de séduire. Van Andréa s’inspire également de L’Acte de Respirer pour rendre hommage à Sony avec une installation qui est une continuité de ses portraits.

Artmel Mouy puise son inspiration dans 100 hommes pour dire les mots. On lirait dans son œuvre la volonté de dire sans aucun effort. L’artiste met à nu la société telle qu’elle se présente à nous avec tous ses miasmes. S’inspirant des phrases de Sony telles: «Les mots vont mourir si quelqu’un ne les remue à temps», Artmel domine le silence, car d’un côté il dit les choses sans les nommer et de l’autre il les dit de manière crue, tel est le mystère de Sony. D’ailleurs, il peint des hommes qui presque tous ont un œil plus grand que l’autre sur les formes extravagantes des femmes de tout âge.

L’Acte de Respirer est aussi une source d’inspiration de Jordy Kissy Moussa qui se sert de l’image des poumons passés aux rayons X et des papiers froissés pour marquer un terrorisme existentiel, il intitule d’ailleurs son installation Terrorisme d’exister. Ce Terrorisme trouve son sens dans l’étouffement constant et le besoin de respirer qu’éprouve l’Homme.

Mantvany utilise des papiers pour construire la ville de Yourma sur laquelle, elle s’approprie l’écriture de Sony en y écrivant à l’aide d’un stylo des bribes de textes du roman La Vie et Demie.

La Vie et Demie est également ce sans quoi Girel NGANGA ne saurait parler du pouvoir boulimique dans son œuvre. Partant des ustensiles de cuisine, il met l’homme face à ces objets afin de montrer l’égoïsme humain.

Gad le Beau quant à lui, s’est servi des phrases de Sony dont «je vais travailler dur pour que je puisse influencer par le verbe une, deux, trois, quatre, cinq générations». De cette phrase on lit une littérature prophétique qui aujourd’hui influence bien des générations. C’est pourquoi, Gad intitule son installation Continuation. Une installation éclairée avec des photos de Sony comme pour dire «Elle ne finit jamais», la vie ne finit jamais, Sony vit à jamais en nous.

Monroyal, membre du Club de Lecture s’essayant pour la première fois à l’art pictural, n’est pas resté en marge de cette phrase, il fait un portrait de Sony et se sert du stylo comme matériau de prédilection pour peindre la perspective d’éternité de cet auteur, le cerveau bleu. Le bleu reflète en fait le génie créateur et le caractère universel que l’artiste donne à l’écrivain.

Paul Alden M’vout, donne également le «la» à cette puissante phrase de Sony: «Je vais travailler dur… » Lui, arrivé aujourd’hui, fait un portrait de l’écrivain avec ses matériaux habituels de création: gélule, fumée polluante, ce qui nous plonge dans son regard en phase avec son époque habitée par les préoccupations climatiques, la destruction de la planète… Et, permet à chacun de se projeter dans un passé, un présent et un futur.

Penath Kimbembe tire son inspiration des Sept Solitudes de Lorsa Lopez: «Quand Lorsa Lopez tue sa femme, personne ne fait rien. A Valancia, la cité déchue, on se contente d’attendre la police… qui ne vient pas». Comme l’écrivain, l’artiste avec ses couleurs interrogent le silence des Hommes, de l’Histoire.

Anne Garnier, travaillant sur la personnalité de l’écrivain plonge la tête de ce dernier dans l’environnement qu’il connaissait le mieux: écriture, journaux, marque page… Elle part encore plus loin en créant des petits bonhommes sur la tête de l’écrivain symbolisant ainsi son humanisme, et la connaissance que toute les générations ont achetée auprès de celui qui était à la fois Romancier, Dramaturge, Poète…

Francis Kodia part d’une empreinte de plusieurs clichés de photos posées sur un seul et même visage portant une oreille pour montrer l’empreinte de Sony «face au silence, face à la nuit géante». La présence de l’encre indélébile et des photos colorées justifient ainsi la diversité de choix que l’on lit dans l’Homme.

Aimebéejair rassemble des phrases tirées des œuvres multiples de Sony, ajoutée à celles des artistes pour immortaliser l’homme qui a fait naître le demi dans son inconscient. Malgré le caractère élogieux de son œuvre, l’artiste refuse de tomber dans un fanatisme aveugle en montrant aussi le côté sombre qui fait de l’écrivain un être humain.

Roger Boumpoutou part de la liberté d’évasion pour pénétrer l’âme et l’œuvre de celui qu’il appelle grand frère. Habitant Makélékélé, le quartier de Sony, Roger accepte volontiers de faire de cet auteur un prophète chez soi. Son œuvre présente un S comme Sony, des seins renvoyant à l’attachement de l’écrivain à la femme et une bouche volumineuse qui traduit si bien la manière la plus loquace de l’expression sonienne.

Partant de ces œuvres, les artistes dégagent tous les 930 mots, mieux les mots de Sony par des présentations et des portraits expressifs. Ces travaux exposent pour la plupart une bouche, des dents, des yeux, un nez, une langue…; ce par quoi on dit les mots qui partent de nos poumons tragiques photographiés.

Enfin, les artistes ont découvert et assument à travers Sony, la beauté du langage; le rire de sauvetage; la dénonciation du silence; la réhabilitation de la parole; le refus de la mort; la construction de la vie…

Olmiche Bantsimba et Elwin Gomo, Membres du Club de Lecture des Ateliers Sahm, Olmiche et Elwin ont également remboursé l’honneur en accompagnant cette exposition de leurs mots.

“La place du public dans la vie du festival a témoigné de la pertinence du combat comme un processus du devenir. Le devenir art ici et maintenant. Nous avons initié cette passe à la vie dans les quartiers et la contagieuse ambiance s’est racontée avec. Le risque était beau à prendre et vous l’avez pris, tous.”
Dieudonné Niangouna

En, effet, la particularité de cette 12ème édition de Mantsina Sony-sur-scène a été de sortir des murs d’un théâtre, des salles classiques et des établissements publics pour occuper les cours de maisons, les rues et les lieux culturels privés de Brazzaville.

Ainsi, Les Ateliers Sahm ont accueilli le 24 décembre Cahier d’un retour au pays natal dans une représentation d’Etienne Minoungou. Etienne Minoungou a déployé magistralement son jeu d’acteur sur une estrade de fortune, circulaire façon grecque, formée de pierre. Les pieds dans le sable, il a libéré sur un ton juste, les mots d’Aimé Césaire face à la forêt de la Patte d’Oie qui abrite Les Ateliers Sahm. Etienne Minoungou, comédien majeur burkinabé a attiré un public nombreux dont les enfants du quartier aguerri aux couleurs des plasticiens.

Et le 27 décembre Les Ateliers Sahm ont accueilli Et si je vous disais la vérité de la congolaise Boréale Pongopo, sous la menace de la pluie. Une pluie qui, finalement, ne tombera pas une fois les mots de Boréale lâchés, comme impressionnée par sa colère à l’attention des dieux violeurs, imbéciles, fous…
Par ses mots sortis de ses entrailles déchirées,
des mots sortis de son vagin charcuté à jamais… Du climat tropical, le ciel a glissé peu à peu vers une aurore boréale : son Acte de Respirer. Son choix d’être artiste. Même si de l’écrit à la mise en scène le propos est resté littéral et le jeu d’acteur un peu trop théâtral, raisonne le culot d’exister d’une jeune artiste prometteuse, reste sa vérité triomphante sur son enfance brisée, une vérité qui fait écho à celle de Sony: Au fond, si vraiment vide il y a, pourquoi ne pas profiter pour y mettre quelque chose, Pourquoi ne pas l’utiliser à exister?

Nous avons vidé la vie à coup de questions: qui on est – où on est – où va t-on… A toutes ces questions je donne une réponse, mais pour l’accepter, il faut avoir le courage, je dirai même le culot d’exister. Au fond, si vraiment vide il y a, pourquoi ne pas en profiter pour y mettre quelque chose? Pourquoi ne pas l’utiliser à exister?
Sony Labou Tansi, L’Acte de Respirer.

Aux Mantsinistes: les démultiplicateurs, nous sommes!

Par Dieudonné Niangouna
Pour tout ce qui nous a précédé en 2015, cultivons les avantages pour faire une belle entrée en l’an 2016. Nous avons scellé des amitiés avec des rires, des drames et des amours. C’est aussi ça Mantsina Sony sur scène. Nous n’avons fait que contribuer à donner plus de dimensions à nos rêves. Et nous-nous sommes vus comme plusieurs fois déjà nous réveiller pour les jouer. Oui, des bonheurs se sont partagés et bientôt vont jaillir des projets, fruits de tous ces moments de rencontres. On s’est permis de tenir pour Mantsiner à souhait. C’est ce que nous avons voulu et en toute logique de paix et de respect c’est bien ce que nous avons fait. Nous avons été une communauté d’amis, d’artistes, de rêveurs debout, de spectateurs assidus, d’accompagnateurs de projets, d’initiateurs, de courageux : une chouette petite humanité bien osée ! Et grâce à ce libre témoin nous avons pu articuler la rencontre entre Art et Public et le dialogue a eu raison d’avoir lieu.

Ce miracle Mantsina Sony sur scène 2015 est dû à cette marque d’engagement que nous avons affirmé courageusement ensemble et non sans intelligence. La place du public dans la vie du festival a témoigné de la pertinence du combat comme un processus du devenir. Le devenir art ici et maintenant. Nous avons initié cette passe à la vie dans les quartiers et la contagieuse ambiance s’est racontée avec. Le risque était beau à prendre et vous l’avez pris, tous. Difficile que nous puissions donner aujourd’hui la taille exacte des réussites qui en découlent. Nous avons vu bouger des choses, déplacer des habitudes, se réveiller quelques dormeurs, oser réagir des attentes, s’encourager des avancées et se forcer à tenir les sentinelles de la maison du bonheur. Nous avons vibré, nous qui nous sommes donnés à cœur joie à cet exercice de Mantsinage. Sony le sait ou peut-être pas, mais quelle importance puisque le gamin, qui s’assoit comme seuls tous les gamins du monde savent le faire les mains en soutenant la tête, la maman qui vend des cacahuètes au marché, le mécanicien du coin de la rue, l’étudiante avec ses certitudes et ses interrogations, les ados en phase de se chercher, les vieilles qui portent la parole du conteur dans les yeux remplis de sagesse, les mis à part et tous ceux qu’on ne saurait catégoriser, ont vu, lu et entendu quelque chose qui leur a parlé. Et ce n’est qu’à cet endroit que nous jouons notre magnifique rôle d’augmentateur de la vie, donc nous avons vibré en l’honneur du poète. Il a été question d’inventer le possible et ce possible se doit aujourd’hui de ne pas fléchir. Car nous ne faisons qu’appeler des matins plus beaux que ce matin et des nuits plus tendres où l’oreille s’associe à la bouche du conteur. Notre geste est continuel sinon il sera suicidaire. Voilà la magie que nous avons donnée à nos gestes éphémères ; c’est d’être continué sans cesse. C’est cette raison qui nous, Mantsinistes de la première comme des vingt-cinquièmes heures, pousse à croire à ce devoir de construire, à ce partage des arts, à sortir de l’ombre du monde, à résister. Je prononce ce mot « résister » avec toute sa charge impulsive du combat. Car rien ne peut rester à l’abri de ces temps si durs où la barbarie s’érige en donneur de crise. L’art ne peut pas être une chose à part dépourvue de conscience, inapte à la réflexion, une simple bulle imaginaire dans la naïveté d’un sot qui n’a pas les pieds sur terre. Non ! Nous portons la parole dans des lieux publics et nos gestes en disent plus long que ce que les temps veulent nous faire dire, nous faire croire et nous faire-faire. Exister là où le vide comble tout est la preuve que l’histoire nous a convoqués en ces temps non pour enseigner des énigmes mais pour les réparer, pour soigner les questions avant de leur accorder des réponses. Si l’histoire nous a distribués en ces temps c’est pour croiser des cultures, adapter des poésies, inventer des danses, réaménager des territoires de langages, éprouver la matière.

Pour dire « Mantsina » nous avons troqué la sueur contre le parfum. Oui, nous avons transformé les remugles de nos sueurs en parfum. Nous voulons cette alchimie libre de tous mouvements pour repousser le chaos. Continuer aujourd’hui doit se conjuguer avec la force d’inventer qui ne va pas sans le vertigineux art de se déplacer. Toujours se déplacer pour faire bouger le soleil. Et sans cesse trouver le second souffle, le troisième souffle, le quatrième… Ainsi nous devenons partenaire de nos mouvements. Créateur, acteur et partenaire à la fois. Nous-nous produisons avec et dans cette complicité-là. Des démultiplicateurs, nous sommes. Oui, après avoir été générateur et corps activant, nous-nous démultiplions en différents vers du poème.

Nous allons donc, au cœur de l’impossible, fermement, remplis de courage en l’avenir et nous portons, notre ferme conviction de sortir de l’ombre, sur le fronton de nos gestes artistiques. Et fiers de nous nommer nous disons : « Ceci n’est pas une marchandise. Ceci n’est pas une œuvre d’art avec un prix. Ceci est un humain, vraisemblablement, qui te ressemble. Ce geste, ce mouvement, cette parole c’est encore lui, un être humain et qui vraisemblablement te ressemble. Ce qui découle de ceci n’est pas un produit ni un concept à vendre, c’est un être humain. Nous révoquons par-là toutes les manies de s’asseoir bien à table et de consommer ceci avec l’idée que tout est consommation. Nous renions ici d’être des modèles de base à grand tirage de photocopie. Aussi vrai que les circonstances forgent l’homme, nous posons ici la question à la connaissance de ce temps, facteur de nos pensées et gestes, qui de nous et d’elle a le droit de nommer ?

Que l’art nous parle !