Hamlet met en scène la réalité d’une conspiration au sein d’un royaume, le Danemark, la réalité d’un désir de pouvoir sans pareil, celui d’un trône, du meurtre d’un roi par son frère, lequel déshérite astucieusement un prince légitime, Hamlet, en épousant la mère de ce dernier, la reine.
Le retournement de cette situation surgit au moment où Hamlet, le fils du roi assassiné, apprend l’errance du spectre de son père et le rencontre. Il découvre ainsi que la mort de son père était un acte prémédité, au-delà de la suspicion qu’il en avait déjà. Suite au mariage précoce de sa mère avec son oncle, le spectre de son père lui révèle les circonstances de sa mort et Hamlet semble sombrer dans une sorte de folie. Hamlet est amoureux d’Ophélie, la fille d’un des ministres de la cour. Hamlet adresse à Ophélie des lettres dans lesquelles il lui dit son amour.
On découvre la réticence du frère d’Ophélie, Laërte, et la joie de son père Polonius qui pourtant sait que sa fille ne peut appartenir à cette lignée et voit là une occasion de grimper dans la cour. Polonius essaie de convaincre le roi que la folie d’Hamlet est dû à l’amour qu’il éprouve pour sa fille Ophélie. Les épreuves soumises à Hamlet vont prouver le contraire. Hamlet se servira d’une troupe d’artistes pour découvrir la véracité des propos du spectre, à l’occasion d’une formidable mise en abîme de la représentation, qui confronte le roi à son crime. A chaque épreuve, Hamlet montre que ce qui lui arrive est prévu d’avance et que tous ceux qui l’approchent sont au service de la cour, du roi et de la reine. C’est le cas d’Ophélie, instrumentalisée par son père, de ses amis venus d’Angleterre. Hamlet tue Polonius par accident, le prenant pour le roi, la cour consent qu’il se rende en Angleterre pour l’écarter. La tragédie commence réellement là. Ophélie perd la raison. Laërte rentre de force prêt à venger son père. Il découvre la folie d’Ophélie et apprend qu’Hamlet est coupable du crime. Situation qui engendre un duel entre Hamlet, revenu d’Angleterre et ayant échappé au piège mortel que le roi lui avait tendu, et Laërte. Durant le duel, la reine boit la coupe empoisonnée destinée à Hamlet par le roi et meurt. Hamlet tue le roi, Laërte meurt pour avoir été touché deux fois par Hamlet pendant le duel, Hamlet meurt enfin après lui. Tous sont morts sur le plateau, à la fin de cette tragédie, ne reste qu’Oratio pour le raconter.
Cette pièce jouée à la seizième édition du Mantsina revêt une importance cruciale tant elle était belle et forte. Sa représentation s’est faite au siège du Mantsina, dans la rue Mbemba Hyppolite, à Makélékélé. Durant deux nuits, en plein espace public, entre vingt et une heure trente et minuit trente, la scène était mouvante, au fil de la représentation. Le spectacle s’est déroulé en pleine rue, à la grande stupéfaction d’un public qui découvre pour la première fois pour certains William Shakespeare, dans une mise en scène de David Bobée. Le metteur en scène a su apporter beaucoup de créativité dans ce texte vieux de quelques siècles et le rendre tout à fait actuel en travaillant avec des comédiens de Pointe-Noire principalement, et quelques-uns de Brazzaville. Le public congolais s’est retrouvé, notamment en entendant une chanson de Jacques Loubelo, Ngonda, et certaines expressions en lari. Il faut dire que cela échoie à la liberté du metteur en scène et des comédiens de pouvoir insérer des morceaux d’eux-mêmes, de ce qui les constitue et de leurs contextes culturels. Lors de l’espace carrefour du dimanche 22 décembre, jour de la clôture du festival, la discussion autour du spectacle a montré combien le public avait apprécié ce travail collectif qui s’est fait en douze jours seulement. A en croire David Bobée, Shakespeare nous parle d’un monde en plein effondrement, pourri, qui essaie de résister et de ne pas céder la place à un autre monde. Ce propos de la pièce nous concerne tous. Mais aussi un miroir dans lequel chacun de nous se retrouve tant sur le plan individuel que collectif : intentions, ambitions, faits et gestes, aussi bien que paroles et habitudes y apparaissent comme reflet de nous-mêmes et de nos sociétés. Shakespeare nous révèle les causalités les plus sordides issues de nos comportements les plus vils. Peu importe les moyens utilisés pour y parvenir, nous sommes toujours rattrapés par notre réalité, peu importe également le temps que cela prendra. Hamlet est cette figure emblématique autour de laquelle la pièce se déroule. Il est celui qui brandit ce miroir, il est lui-même ce miroir autour duquel le monde se reflète. Hélas, tous doivent payer, même Hamlet, pour avoir versé malgré lui le sang de Polonius. La reine doit payer pour avoir consenti à un mariage précoce avec le frère de son défunt mari, le frère du roi devenu roi après avoir tué son frère et procédé à tant d’autres conspirations sanguinaires, Ophélie paie par sa folie et son suicide pour avoir consentie au jeu de son père et de la cour, tout comme les amis d’Hamlet. Quant à Laërte, il meurt aussi de son désir ardent de vengeance, qui se retourne envers lui-même.
Tel est le tableau tragique que nous dresse Shakespeare, en s’appuyant sur la fatalité humaine. «C’est une sorte de folie que d’être sage parmi les fous.», nous disait Socrate.
Dexter MILANDOU, avec l’aide de Roxiane Héléna KOUVOULOU
Article réalisé dans le cadre de l’atelier Les Bruits de Mantsina 2019
Hamlet a été joué les 20 et 21 décembre 2019 rue Hyppolite Memba à Matour, Makélékélé, dans le cadre du festival Mantsina sur scène 16e édition.
Distribution:
Mouz Ferregane (Hamlet)
Alexandra Guenin (La Reine)
Nestor Mabiala (Le Roi)
Pierre Claver Mabiala (Polonius)
Harvin Isma Bihani Yengo (Laerte)
Mixiana Livty Laba (Ophélie)
Rockaël Mavounia (Horatio)
Orlande Zola et Steven Lohick Ngondo (Guildenstern & Rosenkrantz)
Hardy Moungondo (Osric)
Nicolas Mounbounou (Le Fossoyeur, la troupe)
Merveille Toutou (Le Spectre, la troupe)
Fred Obongo, Maël Ouemba, Jean Bonheur Makaya, Jules Mvouma-Lebanda (la troupe)
Une réflexion sur “Mantsina 2019: Retours sur la tragédie d’Hamlet”