Mantsina 2019: Coup de coeur final pour Jazz et vin de palme, de la compagnie Cap Congo sur un texte d’Emmanuel Dongala 

Juvhet Badinga, Vesna Mbelani, Loïck Ngoukou, Maël Minkala, Karel Kouelani (c)Peghini

Ce spectacle de danse, présenté en clôture du festival Mantsina sur scène (qu’on avait pu voir la semaine précédente dans le festival de danse Bo Ya Kobina, à Kombé), a provoqué un tonnerre d’applaudissements.  La compagnie Cap Congo nous y fait découvrir des extraits de Jazz et vin de palme, un texte d’un auteur congolais, Emmanuel Dongala, avec un rapport entre chorégraphie et texte tout à fait créatif et surprenant. 

Jazz et vin de palme est un recueil qui condense des nouvelles aux thématiques très variées dénonçant différents fléaux, l’oppression, la non-acceptation de l’autre, la guerre pour le pouvoir…
Le spectacle nous fait découvrir pêle-mêle l’histoire d’une jeune femme commerçante, Amaya, dont la carte d’identité a été égarée par les agents de l’administration, ainsi que le procès de Monsieur Likibi accusé d’avoir provoqué la sécheresse dans le village en arrêtant la pluie le jour du mariage de sa fille ou encore l’arrivée de gens différents qui se font la guerre. 

Par leur créativité, ces histoires ont été magnifiquement interprété dans le corps des danseurs, quatre hommes et une femme (il faut souligner là combien Vesna Mbelani, toute jeune danseuse issue d’une troupe traditionnelle, est d’ores et déjà une magnifique danseuse contemporaine), lesquels s’approprient aussi bien des danses traditionnelles que contemporaines, comme le coupé décalé et le hip hop, notamment le krump. 

Chaque tableau nous a frappé, comme une facette de la réalité de la société congolaise.  Une société où certains sont marginalisés, méprisés et humiliés par les gens détenteurs du pouvoir, avec en prime le laxisme de l’administration, sa violence et son absurdité.

La compagnie Cap Congo a travaillé dur pour devenir ce groupe, ce collectif, qui sait être ensemble tout en conservant les singularités de chacun. Chaque danseur a son style, de la tradition au plus contemporain, et tous ensemble, dans une grande complémentarité, en dansant sur le plateau avec des éléments très simples, comme des bancs, des percussions, des bois, composent un corps collectif particulièrement émouvant. Il faut souligner combien la lumière du spectacle rend honneur à ce corps collectif, par ses nuances et ses subtilités, ainsi que la musique, un mélange de sons composés pour le spectacle et de morceaux plus connus. 

Comme l’a souligné un spectateur, «la compagnie Cap Congo est le reflet de la société congolaise, où chacun est différent et dans laquelle nous aspirons à ne former qu’un».

Les spectacles de danse apportent beaucoup selon nous au festival Mantsina sur scène, la scène congolaise contemporaine est bouillonnante même si nous regrettons que les femmes n’y soient pas encore assez nombreuses. 

Juvhet Badinga, Vesna Mbelani, Loïck Ngoukou, Maël Minkala, Karel Kouelani (c)Peghini

Jazz et vin de palme, un spectacle de danse de la Compagnie Cap Congo sur un texte d’Emmanuel Dongala
Chorégraphie, dramaturgie et adaptation: 
Herman Diephuis / Cap Congo
Avec: Juvhet Badinga, Vesna Mbelani, Loïck Ngoukou, Maël Minkala, Karel Kouelani
Son et Lumière: Cléo Konongo

Roxiane KOUVOULOU
Article réalisé dans le cadre des ateliers Les Bruits de Mantsina

Publicité

Mantsina 2019: Ombres, work in progress de Nicolas Moumbounou

OMBRES Nicolas Moumbounou et le slammeur Guer2mo (c)OrnellaMemba

Ce solo de danse a eu lieu le 14 décembre 2019, lors de l’ouverture du festival Mantsina sur scène. Sur la scène se déroule un parcours chorégraphié, dont les différentes étapes sont aussi précises qu’explicites. Parcours d’un homme noir, d’un Nègre, lors de la période de l’esclavage et du commerce triangulaire. Différentes émotions, de la rage à la souffrance, s’expriment. Il s’agit d’un homme qui succombe à la fatalité pour le simple fait d’être noir. Parcours qui est aussi contemporain, celui de tous les êtres humains aujourd’hui vendus comme du bétail, comme si l’histoire se répétait en changeant de forme.
L’artiste se confie à nous en retraçant la genèse de son travail, encore en chantier. Il s’agit pour lui de cet héritage qui hante sa personne venant de cette réalité historique, du poids de toutes ces souffrances, de ces humiliations qu’ont vécues ces ancêtres noirs et qui pèsent sur lui, à tel point qu’il ressent parfois que le regard que les autres portent sur lui est encore identique à celui porté sur ces nègres d’antan. Ce malaise, il arrive dès le début du solo, avec cette phrase : «Dans une boîte où je suis, il fait chaud, je suis bouffé par des moustiques». Le regard de l’autre pèse sur lui, il reflète cette ombre, ombre de l’image du nègre qui lui est renvoyée. Un texte l’a beaucoup inspiré pour ce solo, Black Label de Léon-Gontran Damas.

Ce solo est une invitation du danseur et chorégraphe à briser le silence, le sien d’abord, et une invitation aux spectateurs pour qu’ils transcendent les différences et les tendances discriminatives. 

Ombre, danse (work in progress) par et avec Nicolas Moumbounou, avec le slameur Guer2mo présenté le 14 décembre en ouverture du festival Mantsina 2019

NB: Le spectacle Ombres sera présenté au CDN de Normandie Rouen les 28 et 29 mai 2020, lors d’une soirée composée Congo(s) avec un spectacle de Faustin Linyekula!

 

Dexter MILANDOU
Un article réalisé dans le cadre des ateliers Les Bruits de Mantsina